Fondée à Paris
en 1837 par Thierry Hermès, le récit de la marque Hermès est, depuis tout
temps, celui du savoir-vivre à la française, correspondant à une façon
d’appréhender les moments de la vie, en toute délicatesse et distinction :
« L’élégance et le confort chez
Hermès ». Le discours de Hermès, aussi bien visuel que linguistique,
illustre cet ancrage de la marque depuis ses premières communications. Elle
décline la panoplie d’actes, de situations et d’objets de la population nantie
parisienne : la calèche (véhicule de transport des bourgeois de l’ancien
temps), le polo et le golf (sports encore réservés à une élite de la
population), la mise en scène de pique-nique en forêt, la vente de produits
luxueux, de la mode aux arts de la table. Tous ces éléments coexistent afin de
mettre en avant un état de vivre, rempli de politesse, de convenance, notamment
dans les rapports à autrui.
Hermès valorise également dans son discours le savoir-faire, au travers
de deux matières nobles : la soie et le cuir, symboles de l’esprit
équestre, chers à la bourgeoisie française : « Sous le signe la main », « Tout change, rien ne change ». Ce savoir-faire est lié au
métier d’origine de la marque : la sellerie. La marque maintient sa
tradition manufacturière. Elle crée encore ses produits de façon
artisanale : « Sous le signe la
main ». Des visuels d’artisans, travaillant le cuir, renforcent la
mise en avant du savoir-faire de la marque dans la maroquinerie.
Si le discours de la marque apparaît très classique, cela n’est
absolument pas le cas sur Internet. Hermès a ainsi choisi de prendre le
contre-pied et de développer un discours plus original et surprenant sur la
toile.
Dans les pages présentant l’univers de la marque, l’ambiance est
ludique, amusante et parfois même « hallucinante ». Quelques exemples
marquants : la vidéo présentant uniquement une succession de boucles de
ceinture, des présentations de produits tout à fait à l’opposé du traditionnel,
l’histoire de la marque représentée par des petits personnages de BD avec un
ton humoristique, le dessin d’un rhinocéros, une vidéo avec une main qui tient
un skateboard et glisse entre des boites oranges de la marque… et j’en passe… (D’ailleurs ce descriptif traduit bien mal le
contenu du site tant celui-ci est inattendu).
Autre partie fondamentale du site Internet d’Hermès, celle de l’e-commerce.
Et oui, chez Hermès, marque représentant la tradition, on vend déjà depuis
quelques années sur le net une grande partie de ses produits (prêt-à-porter,
sacs, ceintures, bijoux & montres…). La présentation du e-commerce chez
Hermès est également très surprenante. Un univers très fantaisisme est mis en
scène avec la présence, toujours en dessins, d’un arlequin, d’un dompteur avec
des ailes d’ange qui se tient juste à côté d’un caniche… Le vocabulaire et
l’architecture sont celles d’un site de marché de masse (« votre compte », « comment régler vos achats »).
Les deux univers décrits, celui de la communication traditionnelle et
celui d’Internet, sont donc bien différents. Et l’on pourrait même croire qu’il
s’agit bien là de deux marques différentes. Pourtant, nous parlons bien de
Hermès. Et malgré un certain nombre d’incohérences entre ces diverses valeurs,
certains points restent identiques : la couleur orange est ainsi le « fil
rouge » de la marque, entre le off-line et le on-line. Le site Interne
évoque également le savoir-faire de la marque, même si celui-ci est mis en
scène de façon extravagante.
Alors quelles conclusions pourrait-on en tirer ?
Ce décalage entre les valeurs de tradition et les valeurs de fantaisie peut-il
rendre confus l’image de marque pour les consommateurs ?
Ou bien la surprise et l’étonnement sont-ils plus forts pour enthousiasmer
les clients ?