mercredi 29 mai 2013

Le monde extravagant d’Hermès sur le net : un effet de surprise assuré ?

Fondée à Paris en 1837 par Thierry Hermès, le récit de la marque Hermès est, depuis tout temps, celui du savoir-vivre à la française, correspondant à une façon d’appréhender les moments de la vie, en toute délicatesse et distinction : « L’élégance et le confort chez Hermès ». Le discours de Hermès, aussi bien visuel que linguistique, illustre cet ancrage de la marque depuis ses premières communications. Elle décline la panoplie d’actes, de situations et d’objets de la population nantie parisienne : la calèche (véhicule de transport des bourgeois de l’ancien temps), le polo et le golf (sports encore réservés à une élite de la population), la mise en scène de pique-nique en forêt, la vente de produits luxueux, de la mode aux arts de la table. Tous ces éléments coexistent afin de mettre en avant un état de vivre, rempli de politesse, de convenance, notamment dans les rapports à autrui.
Hermès valorise également dans son discours le savoir-faire, au travers de deux matières nobles : la soie et le cuir, symboles de l’esprit équestre, chers à la bourgeoisie française : « Sous le signe la main », « Tout change, rien ne change ». Ce savoir-faire est lié au métier d’origine de la marque : la sellerie.  La marque maintient sa tradition manufacturière. Elle crée encore ses produits de façon artisanale : « Sous le signe la main ». Des visuels d’artisans, travaillant le cuir, renforcent la mise en avant du savoir-faire de la marque dans la maroquinerie.

Si le discours de la marque apparaît très classique, cela n’est absolument pas le cas sur Internet. Hermès a ainsi choisi de prendre le contre-pied et de développer un discours plus original et surprenant sur la toile.
Dans les pages présentant l’univers de la marque, l’ambiance est ludique, amusante et parfois même « hallucinante ». Quelques exemples marquants : la vidéo présentant uniquement une succession de boucles de ceinture, des présentations de produits tout à fait à l’opposé du traditionnel, l’histoire de la marque représentée par des petits personnages de BD avec un ton humoristique, le dessin d’un rhinocéros, une vidéo avec une main qui tient un skateboard et glisse entre des boites oranges de la marque… et j’en passe…    (D’ailleurs ce descriptif traduit bien mal le contenu du site tant celui-ci est inattendu).
Autre partie fondamentale du site Internet d’Hermès, celle de l’e-commerce. Et oui, chez Hermès, marque représentant la tradition, on vend déjà depuis quelques années sur le net une grande partie de ses produits (prêt-à-porter, sacs, ceintures, bijoux & montres…). La présentation du e-commerce chez Hermès est également très surprenante. Un univers très fantaisisme est mis en scène avec la présence, toujours en dessins, d’un arlequin, d’un dompteur avec des ailes d’ange qui se tient juste à côté d’un caniche… Le vocabulaire et l’architecture sont celles d’un site de marché de masse (« votre compte », « comment régler vos achats »).

Les deux univers décrits, celui de la communication traditionnelle et celui d’Internet, sont donc bien différents. Et l’on pourrait même croire qu’il s’agit bien là de deux marques différentes. Pourtant, nous parlons bien de Hermès. Et malgré un certain nombre d’incohérences entre ces diverses valeurs, certains points restent identiques : la couleur orange est ainsi le « fil rouge » de la marque, entre le off-line et le on-line. Le site Interne évoque également le savoir-faire de la marque, même si celui-ci est mis en scène de façon extravagante.

Alors quelles conclusions pourrait-on en tirer ?
Ce décalage entre les valeurs de tradition et les valeurs de fantaisie peut-il rendre confus l’image de marque pour les consommateurs ?
Ou bien la surprise et l’étonnement sont-ils plus forts pour enthousiasmer les clients ?






mercredi 22 mai 2013

LVMH et les Journées Particulières : l’art de la mise en scène de l’expérience authentique



Le marketing expérientiel met en scène les valeurs associées à une marque en impliquant le client final dans la mise en scène. Celle-ci se matérialise par la théâtralisation du point de vente. Le marketing expérientiel se compose de cinq actions : surprendre, proposer de l’extraordinaire, créer du lien, utiliser la marque au service de l’expérientiel et stimuler les cinq sens. Dans les magasins, devenus des théâtres, on vend bien sûr, mais on vit, on joue, on apprend, on revendique des identités et on recherche du lien social. Le shopping ne se résume plus au caractère utilitaire des achats. L’individu-consommateur est au moins aussi sensible à l’expérience ludique, émotionnelle et sociale à l’occasion de laquelle sont effectués ses achats. Les magasins deviennent alors des vecteurs de communication.


Parmi les diverses théâtralisations possibles, l’« expérience authentique » prend alors place dans des espaces de rencontre où artisans d’un métier d’art et amateurs éclairés peuvent se retrouver autour du produit. L’expérience authentique fait référence aux travaux de Bergadàa (2008). Dans ces lieux authentiques, l’objectif est de proposer une série d’expériences que le consommateur est appelé à partager. Il s’agit de produire d’une part de l’expérience sur le lieu de vente et d’autre part de permettre à l’expérience d’authenticité de s’épanouir.

L’expérience authentique se définit alors autour de trois dimensions (Bergadàa, 2008) :
-          l’objet d’artisanat de métier d’art (qualité de l’objet fini, don de soi, co-création de l’objet) ;
-          le métier de l’artisan (passion de la matière travaillée, évolution dans la tradition, transmission du savoir-faire) ; et
-          le lien (relation artisan-client, connivence entre clients).

Deux espaces de rencontres d’expérience authentique sont identifiés : les ateliers des artisans et les salons d’expositions spécialisés (Bergadaà et Clarac, 2007 ; Bergadaà, 2008). Si les salons d’exposition sont des espaces de rencontre temporaires et éphémères, les ateliers sont permanents et permettent la mise en place d’expérience à long terme.


Alors que l’instrumentalisation de l’expérience authentique semble être un moyen efficace pour partager et déployer une relation de partage entre la marque et les consommateurs, LVMH semble vouloir s’en accaparer en renouvellement pour la seconde édition : « Les Journées Particulières ».

"Pour cette deuxième édition des Journées Particulières, les 100 000 hommes et femmes du groupe LVMH vous invitent à la découverte de leurs savoir-faire. Je vous souhaite de partager la passion avec laquelle nous développons ces métiers.Très belle visite à tous !" Bernard Arnault

Le principe est simple : inviter les consommateurs à visiter les Maisons du Groupe, à l’occasion de cette deuxième édition des Journées Particulières. Plus de 40 lieux ouvrent cette année leurs portes, pour vous faire découvrir les savoir-faire et les métiers des 100 000 hommes et femmes du Groupe.

Grâce à cet événement unique, les consommateurs peuvent entrer dans les coulisses du rêve : visites, démonstrations, conférences ou parcours interactifs vous feront partager, le temps d’un week-end, la passion de ces artisans unis par un même goût de l’excellence.

On est donc bien face à la volonté du groupe LVMH de montrer son expertise, son savoir-faire traditionnel et authentique.
Et il semble que cela soit un véritable succès ! Quelques minutes à peine après l’ouverture des inscriptions, les ateliers affichent complets.

Alors pour les chanceux et chanceuses qui participeront à l’expérience, on attend vos retours et vos commentaires sur ces expériences authentiques…

vendredi 17 mai 2013

Saint James et Coach ou quand la Normandie et les Etats Unis se rencontrent dans un sac


Quand deux marques ayant des ancrages culturels et géographiques opposés s’unissent, des interrogations jaillissent…

Pourquoi une marque comme Coach, créée en 1941 à New York et une marque comme Saint James, créée en 1889 à proximité du Mont Saint-Michel,  décident-elles de collaborer sur un produit et en l’occurrence un sac ?

Chacune de ces grandes marques a un savoir faire spécifique : d’une part la maroquinerie pour Coach et d’autre part le textile pour Saint James.

Ces deux marques ont également des identités opposées : d’une part le life style américain et le savoir-faire lié au travail du cuir pour Coach et d’autre part le « made in France » et le savoir-faire du tissage pour Saint-James.


Au-delà de la cohérence de cette alliance, qui semble discutable aux vues des éléments ci-dessus, il est légitime de se demander pourquoi et comment ces deux marques sont-elles rentrées en contact ?



vendredi 10 mai 2013

Dolce & Gabbana : jusqu’où les effets de rupture sont-ils acceptables ?


Dolce & Gabbana, marque créée en 1985 par Domenico Dolce et Stefano Gabbana, se singularise dans le
monde de la mode et du luxe par son univers si spécifique, composé de mélanges des opposés, représentatifs de l’Italie dans toute sa complexité et sa richesse culturelle.

Dolce & Gabbana est en effet ancrée géographiquement dans la culture italienne, du fait de ses deux créateurs, l’un venant du sud de l’Italie (Domenico Dolce) et l’autre du nord (Stefano Gabbana). La marque se rattache au sport national, le football : « 2006 Italia Dolce & Gabanna », en devenant le costumier officiel de l’équipe. Elle revendique son attachement sentimental à son pays : « A good, elegant and well-mannered Italy », « We like Italy, we like it as smiling and lighthearted as the yourth of Dolce Vita – the Italy you are proud to carry with you ».
Par ce double attachement à l’Italie du Sud et l’Italie du nord, Dolce & Gabbana met en scène dans son discours un état permanent de tension lié aux changements, aux mélanges et aux décalages. Il s’agit plus précisément d’un état de passage constant, successif et simultané entre les valeurs de la tradition et du modernisme. Le classicisme et le traditionnel sont représentés par les visuels d’un appartement ancien, d’hommes dominateurs et de femmes relativement soumises, faisant référence à l’Italie du Sud, la Sicile, région natale d’un des deux créateurs : Domenico Dolce. Quant à la décadence, elle est représentée par la Rome Antique et l’avilissement sexuel de César, les scènes de sexualité décalée entre plusieurs hommes et plusieurs femmes, la décoration ultra contemporaine et moderne, faisant davantage référence, cette fois-ci, à l’Italie du nord, région natale du second créateur de la marque : Stefano Gabbana. Ces transitions et variations constantes sont également visibles dans les publicités de la marque avec le mélange des couleurs douces et des couleurs vives, des objets nouveaux et anciens, entraînant des effets de décalage incessants.
L’approche ostentatoire des produits de la marque renforce cet état de tension. La marque est ancrée dans le « Fashion show » depuis sa création. L’apparence est mise en avant au travers des défilés mais aussi des publicités où les mélanges des styles sont récurrents (mélange des couleurs, des matières, des genres). Chaque campagne publicitaire représente un style différent, toujours dans un esprit de provocation, de transition.
Dolce & Gabbana marque encore le coup lorsque elle ouvre en 2009 un restaurant en Italie. Il s’agit là encore d’un moyen pour faire parler, pour étonner et surprendre.

Dans la dernière campagne de communication de la marque, ce mélange des opposés est particulièrement flagrant. On y voit Monica Belluci, femme brune, habillée en noir, portant des vêtements sobres, représentant la mère stricte et une jeune femme, sa fille, habillée cette fois-ci de vêtements colorés à fleurs…

Si jouer la carte de la surprise et de l’étonnement est largement valorisé en marketing, il est cependant nécessaire de toujours faire attention à la cohérence de ses valeurs et de son discours.


Trop de mélanges et d’innovations à tout va ne peuvent-ils pas complexifier la compréhension de la marque et la rendre confuse auprès des consommateurs ?

Jusqu’où les effets de rupture sont-ils acceptables ?


2013                       206

2009

2007

mardi 7 mai 2013

1 forme / 5 couleurs: La nouvelle force de Danone

Capitaliser sur un nom de marque de forte notoriété est monnaie courante en marketing. Il est ainsi usuel de

voir apparaître sur un pakaging le nom d'une marque mère, permettant ainsi d'assurer une caution de qualité à un nouveau produit. Mais lorsqu'une marque désire aller plus loin, que faire?

Une des nombreuses solutions est donnée par Danone : utiliser une même et unique forme de contenants pour des contenus différents.

Activia, Velouté, Taillefine ou encore Danaco... voici quelques marques de yaourt du groupe Danone. Ces marques ont des positionnements divers: promesse de minceur pour l'une, bienfait digestif pour l'autre...

Et si certains consommateurs ont connaissance du fait que Danone est bel et bien l'entreprise qui régit toutes ces marques, d'autres n'en connaissent rien. 
La présence du logo Danone ne semble donc pas suffisant. Les consommateurs n'ont pas en effet le temps de lire ce qui est inscrit sur un produit lorsqu'ils font leurs courses... Un élément de ressemble plus visible entre les différentes marques de yaourts est donc nécessaire...
Et voici la réponse de Danone à ce "problème" (si on peut appeler cela un problème!):


Alors quoi penser de ce changement de packaging?
Futilité ou nécessité?

A vrai dire, il s'agit d'un bel exemple de démonstration de puissance d'un grand groupe qui souhaite aux consommateurs toute son étendue...